Linnéa h. Karlsson ••

« Laisse-moi tranquille ! Lâche-moi ! »
J'aurais aimé être n'importe où ailleurs. Autour d'un feu, les orteils dans le sable fin réflechissant le soleil éclatant, ou encore dans une grotte, humide, effrayante. Le genre d'endroit où on ne se sent pas à l'aise, comme si un inconnu vous portait compagnie. Le style de lieux où je me sentais parfaitement à l'aise. N'importe où, où que ce soit. Pas dans cette pièce, avec cette lumière aveuglante. Pas avec lui. Pas avec elle. Je les entendais chuchoter ; que croyaient-ils ? Je comprenais tout, mais eux ne semblent pas comprendre quoi que ce soit. Bien sûr ! Il n'y avait rien de logique à ce qu'une petite fille qui vient de perdre ses parents, se retrouvant dans une famille quasiment inconnue qui s'avérait être celle de son oncle, de sa tante. Et de ses cousins. Je ne voulais pas être ici. Je ne voulais pas de ces « parents ». Je voulais ma mom, pas cette impostrice. Ctte famille m'était inconnue. Je ne savais rien d'eux, ni de la mort de mes parents. « Tu comprendras plus tard ». Je dois avouer qu'aujourd'hui, j'ai pris plus d'une dizaine d'années... et non, je ne comprends toujours pas. Je ne comprends plus rien.

« On ne jouera pas avec toi, jamais ! »
Je sentais de chaudes larmes dégouliner le long de mes joues osseuses. J'étais plus maigre qui n'importe qui, mangeant tout de même à ma faim. Je n'étais ni jolie, ni désirable. J'étais terriblement pâle ; un visage blanchâtre, une allure général plutôt fantomatique. Là-bas, on ne vous jugeait que sur votre physique ; les demoiselles visaient le stéréotype de la fille prisée : blonde, pom-pom girl, grande, maigre mais pas trop, drôle & à la mode. Je n'avais rien de tout ça. Mes cheveux bruns tirant vers le roux formaient une tignasse informée, ébouriffée par le vent. J'étais plutôt petite, ne dépassant pas le mètre soixante pour mes quinze ans. Je n'avais rien d'amusant, à leurs yeux en tout cas. Je m'habillais comme je l'aimais, j'aimais créer des tenues originales, mélangeant les couleurs, superposant les couches. Je me plaisais, à moi. J'étais à l'aise, ainsi. À l'aise, mais seule. Terriblement seule.
Mais en effet, ma famille était assez pauvre, vivant avec le strict minimum. Au fil des années, si je n'acceptais toujours pas le décès de mes parents, ni mon « adoption » chez ma tante & mon oncle, je commencais peu à peu à moins y songer. On me disait que le temps ferait le reste, qu'il recoudrait les parois de mon coeur abîmé ; qu'il me ferait sourire, qu'un jour le vent ébourifferait nos cheveux, à nous deux. Oui, à nous deux ! Il m'était incroyable que je reste seule toute ma vie. Il fallait que je trouve quelqu'un. Quelqu'un de bien.

« Tu vois ? Je te l'avais dit. Maintenant que je suis là, ils n'osent plus t'approcher. »
« Alors, tu n'as qu'à rester ici. Ici, pour... longtemps. Très longtemps. »
J'avais trouvé mon équilibre. Une personne très différente de moi ; Vince. Je ne saurais le décrire avec exictitude, tant mes souvenirs sont flous. Je me souviens de toutes ses paroles, du moindre de ses faits et gestes. Je me remémorre tout ce qu'il a bien pu me dire, me sourire, me faire rire. Après tout, je n'avais besoin que de lui. Nous deux, protégés & éloignés de tous. Nous n'avions besoin de qui que ce soit d'autre. Je l'aimais. N'est-ce pas le plus important ? Mais cela ne dura pas. Vince était d'une famille fortunée, ayant à son compte de nombreuses maisons et villas. Ils possédaient jardins et chateaux, plages et îles. Ils étaient fiers, hautains. Mais Vince ne les appréciait pas. C'était sans doute notre seul et unique point commun : ne pas aimer ceux qui nous servaient de parents. Dans mon vas, cela semblait plutôt logique ; je n'aimas rien. Je n'aimais que lui ! Mais Vince était quelqu'un de populaire, et d'apprécié. Il aurait pu choisir n'importe laquelle, et c'est sur moi que s'est porté son regard. Je crois que je l'aimais pour ça. Parce qu'il avait appris à me connaître, à creuser, à déchiffrer mon regard, mes allures. À combler en moi tout les manques. Mais il est parti.À l'autre bout du monde. Bien tragique destin pour deux adolescents, vous me direz. Étrangement, il ne m'a pas manqué. Je sentais toujours sa précense. Aujourd'hui encore.