«Laissons le passé aux morts» private !

Linnéa - «Mademoiselle ? Mademoiselle ? ... J'aimerais passer commande.»

La serveuse vêtue d'un accoutrement des plus hideux, la dévisagea, ne pouvant camoufler sa surprise. Linnéa avait l'apparence de quelqu'un n'ayant pas fermé l'œil de la nuit, ou plutôt de plusieurs nuits de suite. Et elle n'en avait pas que l'air. Les cheveux en bataille, elle avait beau s'être acharnée plusieurs minutes, avoir testé de nombreux produits plus inefficaces les uns que les autres, sa tignasse ne s'était pas défaite. Cela ne se remarquait pas vraiment, mais ne faisait que renforcer l'impression de fatigue qui se dessinait sur son visage ; cernes sous les yeux, paupières mi-closes, tenue négligée. Si Heidi n'avait jamais pu rivaliser avec une de ces mannequins, elle n'était tout de même pas moche, laide, ou encire hideuse. Non, elle était juste de celles qui l'on ne remarque pas. Et puis de toute façon, ceci lui allait très bien comme ça.

Linnéa - «Je disais donc... ne pouvant cacher sa désapprobation face au regard hautain que l'employée lui avait vulgairement adressé, Heidi ne parlait, jetant plutôt son venin. Un chocolat chaud. Très chaud, le chocolat.»

Ce genre d'endroits était exactement ceux que Linnéa évitait de fréquenter, au maximum du moins. Nous avons tous, en général, besoin d'une petite pause ici ou là, dans un lieu aussi overbooké que personne ne remarquerait votre présence. Ce style d'instants étaient fort nécessaires lorsque vous aviez décidé de vous remémorer des souvenirs, plaisants, comme à l'inverse. Il arrive que nous nous retrouvions plongés dans le passé, attirés par diverses photographies ou vidéos, des moments qui ont un arrière goût de déjà vu. Il arrive parfois qu'on se demande si l'on a pas manqué une partie de sa vie, sans s'en souvenir. Il est aussi probable que nous ayons des remords, ou des regrets. Que nous nous rappelions de choses que nous aurions dû ou ne pas faire, dire ou au contraire, que nous aurions mieux fait de tourner notre langue sept fois dans notre bouche. Que certaines personnes aient tellement marqués nos esprits que nous ne pouvons que nous en souvenir, des années après. Parce que certains instants ne s'oublient pas... 'Pas lui... pas maintenant' se dit-elle. Notre petite Suédoise, torturée par des souvenirs désagréables ? Fort possible !

Heidi ne put contenir un soupir franc, exaspéré. Quelques têtes indignées se détournèrent vers elles, puis les paroles & les rires bruyants reprirent la place qui leur était dues dans un endroit tel que celui-ci. Mais passons ; Linnéa était quelqu'un de très détaché du monde, qui détestait être comprise... mais qui désirait, par dessus tout, qu'on comprenne certaines choses. Allez vous y retrouvez, là-dedans ! Une sorte d'énigme, un véritable casse-tête, sur lequel personne ne se serait porté, puisque peu intéressant ; à part lui. Il fallait avouer qu'à cette époque, la brunette était quelqu'un de naïf, et d'innocent, qui croyait tout et n'importe quoi, tant qu'on lui promettait de dire la vérité. Alors, quand ce jeune homme, bien trop désiré pour porter son regard sur elle, est finalement venue la voir... elle n'a pu résister. Ni une, ni deux, elle les croyait unis 'pour la vie'.

Et pourtant... au bout de trois jours ? Le beau, l'unique, l'attachant, le sois-disant 'pour la vie' s'en est allé, laissant une Linnéa désemparée, en pleine chute, chute, chute. «Ah ! Linnéa réouvrit les yeux, brusquement. La demoiselle venait de se réveiller d'un «cauchemar», dans lequel elle s'apercevait chutant. Pourtant, elle était toujours à la table de Coffee Bar, seule face à... Thomas ?»