Travail des chevaux de Tomáš Veígl

Lorsqu’il parvint à l’écurie en ce début d’après-midi ensoleillé, Tomáš s’attendait à tout. Il n’avait encore jamais rencontré la jument dont il aurait désormais la responsabilité. Tout ce qu’il savait d’elle, c’est que malgré son jeune âge elle était déjà réformée des courses, ce qui incluait très vraisemblablement de nombreux problèmes psychologiques et moteurs… Tant mieux ; il aimait les défis.
Java thankU était tout au fond de son box et il ne vit d’abord d’elle que sa croupe. S’approchant de la porte, il l’appela d’un sifflotement et elle se tourna vers lui, les oreilles couchées en arrière.
« Hého, tout doux, ma belle ! »
Il posa sa main sur le bord de la porte et ce geste suffit à faire reculer la jument. D’une voix douce, il se mit à lui parler pour l’apaiser, puis sortit une demi carotte de sa poche, qu’il tendit à Java. Sans cesser de lui parler, il demeura immobile, la main tendue, jusqu’à ce que, lentement et avec prudence, la jument vienne croquer un bout du légume. Le jeune homme était statufié, elle prit de l’assurance et termina tranquillement la friandise. Il prit l’autre moitié de la carotte et la posa sur sa paume, sans tendre le bras de manière à faire venir Java plus près. Cette fois-ci elle n’hésita pas, et tandis qu’elle mâchonnait allègrement il tendit une main très lente vers son chanfrein. Secouant brusquement la tête, la jument fuit ce contact mais il garda la main tendue vers elle et, méfiante mais très curieuse, elle renifla ses doigts, puis se laissa toucher les naseaux.
Il fallut vingt bonnes minutes à Tomáš pour, doucement, progressivement, obtenir un peu de confiance de la part de Java thankU qui, finalement, consentit à se laisser caresser et mettre le licol.
Il la sortit et la pansa sans cesser de lui parler, tandis qu’elle le surveillait, l’œil méfiant, attentive à tout ce qu’il faisait. Il constata très vite que le moindre geste un peu vif l’effrayait et fit tout ce qu’il put pour bouger sans à-coups et la ménager car, apparemment, elle était plutôt chatouilleuse !
Après quoi, il lui mit des guêtres et son filet, attacha la longe aux anneaux du mors et la conduisit dans le rond de longe.
Il avait hésité à occuper le manège, mais finalement ne regretta pas son choix car Java explosa carrément une fois qu’elle fut libre, partant au trot à toute allure et lançant des coups de cul virulents sans tenir compte du tout de ce que pouvait faire ou dire Tomáš. Ce dernier la laissa donc lâcher son jus, puisqu’apparemment il ne pouvait rien en tirer pour l’instant…
Lorsque ce moment d’hystérie fut passé il commença à la travailler, au pas d’abord, puis avec des transitions au trot. Ce fut le moment de constater qu’elle n’obéissait pas vraiment à la voix & avait tendance à aller vite, mais plus avec précipitation qu’impulsion… Ce qu’elle avait l’air stressée ! Il fut tout simplement impossible d’obtenir un départ au galop, tout ce que Java savait faire c’était prendre le trot de course et là, Tomáš avait toutes les peines du monde à la contenir…
Après cette séance pas très longue mais éprouvante physiquement (pour lui) et juste suffisante pour se dérouiller (pour elle !), Tomáš la félicita et la ramena à l’écurie. Il avait ainsi pu voir sa jument entièrement et en mouvement, ce qui avait été l’occasion de constater qu’elle était mal musclée et possédait des allures… bizarres, son encolure étant mal placée pour qu’elle puisse travailler dans le bon sens –la faute aux enrênements de course, pas de doute…
« J’ai bien peur de devoir te mettre moi aussi un enrênement pour sauver tout ça, ma pauvre louloute… »

Hé oui, séance de longe aujourd’hui, dans l’optique de remuscler Java tout en la mettant en confiance.
Tomáš prépara soigneusement sa jument, filet, protections aux membres et enrênement, puis la conduisit au rond de longe. Après une détente un peu chaotique, la demoiselle ne l’écoutant que quand ça lui chantait, il fixa le gogue et utilisa des barres au sol, placées en éventail, pour lui faire agrandir puis rétrécir ses foulées, au pas & au trot. Bon d’accord, ce n’était pas une très grande réussite, mais le jeune homme se satisfit des résultats obtenus ; il serait bien temps de s’améliorer sur cet exercice…

Cette fois encore, c’est vers le rond de longe que se dirigea Tomáš, flanqué de sa ju’ harnachée de pied en cap pour une bonne séance de travail en main.
Le jeune homme commença par échauffer Java aux… deux allures, puisque le galop était toujours quelque chose d’impossible à obtenir, puis il fixa son gogue et lui fit faire le même exercice que la veille, sur des barres au sol. Les résultats obtenus furent des plus satisfaisants ; bien sûr la jument persistait à avoir la tête ailleurs et n’obéissait pas vraiment de la manière la plus rapide et appliquée qui soit, mais elle allongeait et raccourcissait ses foulées avec beaucoup plus de facilité maintenant. Voilà au moins un exercice acquis, ou du moins, en passe de l’être.

Once again, c’est au rond de longe que Tomáš et Java thankU se rendirent. Il échauffa aux deux mains la jument toute brûlante d’énergie et qui ne l’écoutait que quand ça lui chantait, puis fixa le gogue en vérifiant qu’il était bien ajusté. Il reprit le même exercice que les jours précédents, à savoir allonger puis rétrécir les foulées, grâce à l’aide des barres au sol et le résultat fut des plus satisfaisants ; les progrès de la jument étaient très rapides.
Java était trop fofolle, la tête ailleurs, pour qu’il se lance dans un nouveau travail plus compliqué et d’ailleurs, la séance avait déjà assez duré ; il la ramena donc à l’écurie.

Dans le rond de longe, après l’habituel échauffement aux deux mains, Tomáš attacha le gogue de Java et reprit le même exercice que lors des séances précédentes, mais sans les barres au sol cette fois, simplement à la voix. Ce fut l’occasion de constater que la jument avait tout de même beaucoup évolué depuis la première fois qu’il l’avait travaillée, car elle rétrécissait et agrandissait ses foulées avec beaucoup plus de facilité et lui prêtait une oreille considérablement plus attentive. Bon c’est sûr, c’était loin d’être parfait, mais c’était déjà une avancée considérable !
Le jeune homme fit ensuite travailler à sa jument les transitions inter-allures, cherchant à obtenir des passages du pas au trot (et vice-versa) propres et nets, ainsi que des arrêts corrects. Ça par contre, ça demandait encore un peu de boulot…

La séance débuta de la même manière que d’ordinaire : (lâchage de jus de Java), échauffement aux deux mains, puis l’on put commencer le travail avec l’enrênement. Allonger & rétrécir les foulées, ce qui était devenu un exercice coutumier auquel la jument se pliait avec de plus en plus d’aisance, puis de nouveaux exos de transitions avec cette fois pour objectif de passer du trot à l’arrêt. Ce n’était pas encore acquis ; il y avait toujours deux-trois foulées de pas qui se glissaient entre les deux allures…
Puis, Tomáš qui n’avait jamais perdu de vue son but premier, à savoir faire galoper la jument, mit Java au trot et se servit d’aides très claires et précises : voix, pas en avant vers les hanches de la trotteusem chambrière orientée vers la pointe du jarret.
Mais la grande baie se contenta d’accélérer le trot et il lui fallut deux tours pour la faire ralentir et la re-cadencer, avant de recommencer, sans plus de succès, ni à cette main ni à l’autre.
Il la félicita tout de même à la fin de la séance ; ça viendrait… un jour ou l’autre, mais ça viendrait !

Échauffement des deux côtés, transitions intra & inter-allures, s’entraîner aux passages du trot à l’arrêt & vice-versa, et enfin, on ESSAIE d’obtenir au moins une foulée de galop… en vain, Java se contentait d’accélérer au trot et même, commençait à s’exciter sérieusement si bien que Tomáš stoppa là la séance.

Cette séance-ci fut beaucoup plus agitée que d’habitude. Java ne pensait qu’à faire la folle, n’écoutant rien à RIEN de ce que pouvait dire ou faire Tomáš, et même après son échauffement elle continuait à faire n’importe quoi, à regarder de tous les côtés, révasser voire bâiller aux corneilles. Lorsque le jeune homme, usant de la position de son corps et de sa chambrière, ordonna « Gaa-lo-pez ! », sa réaction fut encore plus vive que d’ordinaire et elle prit le trot à toute allure… ce qui nécessita plusieurs minutes de la part du jeune homme pour la calmer.
Ben oui, y’a des jours avec et des jours sans, on va dire…

Tout en sachant pertinemment ce à quoi il s'exposait, Tomáš vint se percher sur le dos de la très agitée Java... Et c'est parti !
Ils se connaissaient depuis plus d'une semaine maintenant et il l'avait travaillée tous les jours, s'occupait d'elle avec soin et patience, mais ce n'est pas pour autant qu'elle lui accordait ne serait-ce qu'un miligramme de confiance.
Après avoir commencé la séance par quelques minutes de pas, le jeune homme eut droit à une sympathique séance de rodéo avant de se faire embarquer au trot de course, allure infiniment agréable, sisi j'vous dis, dans le genre mégatapcul on fait pas mieux !
Lorsque, au prix de plusieurs minutes et de nombreux efforts, Tomáš parvint à reprendre le contrôle, il repassa au pas non sans un certain soulagement. Et après ce retour au calme, ils repartirent pour la suite de la séance, qui fut loin d'être de tout repos. Le jeune homme devait se consacrer avant à équilibrer la jument et lui faisait exécuter des incurvations plutôt légères, ainsi que bon nombre de transitions toujours assez délicates. Cela dit, leur travail en longe avait porté ses fruits car pour les transitions intra-allures, Java avait tout de même fait des progrès...

Après avoir échauffé sa jument des deux côtés, Tomáš fit travailler sa jument avec le gogue, lui faisant exécuter de nombreuses transitions notamment des passages du trot à l’arrêt (et inversement) de plus en plus réussis (enfin plus exactement… de moins en moins foireux xD).
Lorsqu’il sentit la jument en équilibre et (relativement) à l’écoute, Tomáš mit minutieusement ses aides en place, réunissant position de son propre corps, place de la chambrière et voix pour demander le galop à Java. Le premier essai fut aussi peu fructueux que d’ordinaire, mais la deuxième fois, la jument fit une foulée qui ressemblait furieusement à du galop… avant de reprendre son habituel trot trop rapide. Il la repassa néanmoins au pas en la félicitant et réessaya, obtenant alors une seule et unique foulée mais qui, cette fois, était clairement du galop. Il récompensa donc la trotteuse, puis la fit changer de main mais à gauche, pas moyen d’obtenir autre chose que du trot… Tant pis, c’était déjà une magnifique avancée !

Tout bien réfléchi, pour une journée tranquille pépère, Tomáš aurait pu choisir une autre option que se poser sur Java. Parce que la jument n’était ni confortable, ni obéissante, ni très conciliante, ni rien du tout en fait.
Pour tout dire, elle lui prouva une fois de plus qu’il n’était pas particulièrement le bienvenu sur son dos…
Ils commencèrent par un petit tour dans la carrière histoire de s’échauffer rapidos, ce qui est toujours utile, et la grande demoiselle en profita pour embarquer à moitié son cavalier et lui infliger quelques coups de cul bien sentis. Ils ne restèrent pas très longtemps au sein de cette surface sableuse, plate et dégagée de manière à choper tous les rayons du soleil comme si son objectif était de se transformer en fournaise ; n’ayant pas spécialement envie de cuire (ni d’ailleurs de travailler), Tomáš emmena sa jument sur un chemin de la forêt. Cette fois, prudent, il s’engagea sur un petit sentier, évitant de prendre la fameuse piste accessible aux voitures sur laquelle ils avaient fait une si mauvaise rencontre.
Durant une heure, le couple visita donc la belle forêt qui entourait MI et qui, il faut bien le dire, avait l’incontestable mérite d’être ombragée… Tomáš ne demandait pas grand-chose à sa jument, si ce n’est de rester au pas sans faire de bêtises (et de la part de Java, c’était déjà beaucoup… !) et un minimum attentive & dans l’impulsion.
Nul ne sera surpris je pense si je vous dis que cette calme balade ne le fut pas tant que ça… Mais bon, ils rentrèrent tous les deux entiers et indemnes malgré quelques petites frayeurs pour tous les deux, la trotteuse qui découvrait la nature et le jeune homme qui devait faire face à l’imprévisibilité de sa monture…

Après un échauffement aux deux mains, Tomáš fixa le gogue de Java et s’attela d’abord à mettre la jument en équilibre, puis à réunir les trois critères capitaux pour ce qu’il allait demander : Équilibre, Impulsion & Calme. Et pour cela, quoi de mieux que des transitions en tout genre, entre & dans l’allure !
Java ayant finalement adopté un pas régulier et actif, le jeune homme employa les aides qui commençaient à leur être coutumières : pas en avant, genoux fléchis, chambrière vers la pointe du jarret, et voix :
« Gaa-lop ! »
À main droite, Tomáš n’eut aucune difficulté à obtenir quelques foulées de galop, hésitantes certes, mais parfaitement correctes et il récompensa la jument en la repassant directement au pas. Il recommença deux-trois fois, augmentant graduellement le temps de galop mais en veillant toujours à ce que ce soit lui qui demande les transitions au pas.
En revanche, à gauche, ce fut une autre histoire. Il fallut plusieurs essais pour parvenir à deux foulées de galop, mais aussitôt Java repassa au trot. Tant pis ; c’était déjà ça…

Une fois n’est pas coutume, le duo pénétra dans le petit manège. 20x30 mètres, c’était riquiqui mais amplement suffisant. Tomáš avait préparé d’avance les lieux, plaçant barres, cubes et chandeliers en prévision de cette séance… Il s’attendait un peu à tout et surtout à une catastrophe, mais jamais il n’avait vu sauter la demoiselle Java dont on lui avait pourtant assuré qu’elle se débrouillait très bien. Alors aujourd’hui, il était décidé à la tester…
Il avait assez de place pour faire tourner la jument sur le plat, et c’est ainsi qu’il commença à l’échauffer, reprenant les exercices qui leur étaient coutumiers à tous les deux. N’étant pas encadrée à l’extérieur comme dans le rond de longe, Java était encore moins attentive que d’habitude et tirait beaucoup à l’extérieur, forçant Tomáš à toujours ‘jouer’ sur la longe. Prendre-rendre, prendre-rendre, prendre-rendre… Pour finir, il la fit galoper deux fois quelques foulées à chaque main (enfin, avec beaucoup moins de succès à gauche…). Au pas, il déplaça le cercle jusqu’à mener la demoiselle sur le parcours qu’il avait préparé.
Des barres au sol qu’il lui fit enjamber au pas et au trot, et tout se passa plutôt bien si ce n’est que la première fois, Java stoppa avant de passer entre le chandelier et le cube sur lequel Tomáš avait posé une barre en appui sur le sol pour faire un ‘couloir’ qui éviterait les dérobades. Poussée par le jeune homme, la jument consentit à passer et ensuite, il n’y eut plus d’incidents.
Tomáš monta un croisillon d’une cinquantaine de centimètres et Java l’aborda au trot. La sentant prête à ralentir, il fit un appel de langue et elle franchit alors l’obstacle, enjambant plus que sautant. Il la félicita et la fit passer à l’autre main, puis la séance se poursuivit avec un autre croisillon de 70 cm. Elle se réceptionna au galop et lança un vigoureux coup de cul avant de repasser au trot sur l’injonction de Tomáš qui la sentait prête à s’emballer.
Ils continuèrent, sautant chaque fois aux deux mains : croisillon de 80 cm, puis vertical qui impressionna vaguement Java la première fois, ils montèrent jusqu’à 90, la jeune homme suivait du regard sa jument et ne perdait pas une miette de ses mouvements ; on ne lui avait pas menti, elle avait un coup de saut magnifique mais respectait presque trop les barres, ayant tendance à sauter bien plus haut que nécessaire. Par contre, bien qu’il la guide de la voix, la trotteuse n’arrivait pas à caler ses foulées, ne prenait pas son appel au bon moment. Donc, il plaça deux barres au sol devant l’obstacle pour donner des indications à la jument et constata que ça allait tout de suite un peu mieux !
Son plus haut saut fut un oxer, bien montant pour la motiver, d’un mètre de hauteur sur une largeur assez réduite.
« T’es géniale ma Java, tu le savais ça ? »
Lorsqu’elle se réceptionnait, demoiselle était au galop mais reprenait toujours le trot d’elle-même, aussi Tomáš devait-il à chaque fois user de ses aides pour qu’elle maintienne l’allure quelques foulées et ne transitionne que lorsque Lui le lui aurait demandé, voire même pour qu’elle fasse un tour entier en galopant et aborde l’obstacle à cette allure.
Pour sa peine, la grande baie eut droit à deux énormes carottes avant de rentrer à l’écurie.

Java était étrangement calme aujourd’hui. Enfin, ça ne veut pas non plus dire qu’elle était angélique, loiiin de là, mais en comparaison du cinéma qu’elle avait fait les autres jours, la jument était plutôt tranquille et presque attentive, un vrai miracle.
L’échauffement se passa donc infiniment mieux que d’habitude, puis Tomáš entra dans le vif du sujet en lui demandant un départ au galop. Il n’eut aucun mal à l’obtenir, et ensuite, de la voix, ne cessa de motiver Java pour qu’elle maintienne l’allure. Elle fit presque un tour complet, puis retomba au trot –elle allait d’ailleurs tout aussi vite ainsi, voire même plus ! Il la félicita, la calma patiemment, puis poursuivit l’exercice.
Au terme de la séance la jument avait galopé presque deux tours complets à main droite, et un tour entier à gauche ; chaque fois Tomáš veillait à ce que ce soit lui qui demande la transition descendante, et il surveillait très attentivement la trotteuse dans le moindre de ses mouvements de manière à pressentir le moment où elle allait changer d’allure, histoire de la devancer.

La séance fut courte, mais mouvementée, et Tomáš faillit plusieurs fois voir de très très près le sable qui recouvrait la carrière. Monté sur une Java pas concentrée du tout et faisant preuve d’un grand désir de lui faire mordre la poussière, il dut déployer des trésors de tact équestre et de concentration pour rester en selle mais aussi et surtout, pour faire travailler la demoiselle qui usait de toutes les astuces possibles et imaginables pour n’en rien faire.
Pourtant on ne pouvait pas dire que le jeune homme lui demandait beaucoup, loin de là ; il lui faisait effectuer le plus basique du travail de base, transitions multiples, incurvations légères, mises en équilibre –et il n’est même pas encore question de mise sur la main ! Oui, dit comme ça, c’est enfantin, mais dans la pratique, du moins avec cette jument là, ça l’était beaucoup moins. Le plus gros problème de Java, c’était la tension qui ne la quittait jamais ; nerveuse, elle observait tout autour d’elle, si bien qu’elle manquait cruellement d’attention, et qu’elle était donc très contractée. Or, un cheval contracté ne fait jamais un bon cheval de dressage… Partant de là, le reste s’expliquait : sa tendance à précipiter, son excès de poids sur les épaules, la dureté de sa bouche –qui, en prime, avait été insensibilisée par des enrênements exagérément durs…-, la violence de ses réactions quand il lui demandait un léger pli de rien du tout…
Patient et doux, mais ferme, le jeune homme insistait quand il le fallait mais cédait toujours dès que la jument faisait mine de lui obéir ; de la sorte, au terme de la séance il parvint à des résultats plutôt intéressants compte tenu du caractère & du physique de la trotteuse : dans l’impulsion mais sans vitesse, sur un cercle d’une vingtaine de mètres elle était légèrement mais correctement incurvée et en parfait équilibre horizontal, et ce, aux deux mains. Oui, m’enfin, dès que l’on passait en ligne droite, les choses se compliquaient considérablement…
Tant pis, même s’il était petit c’était quand même un pas en avant et Tomáš félicita donc beaucoup la jument lorsqu’il mit pied à terre.

Malgré les menaces que leur adressait le ciel plombé de lourds nuages, Tomáš et Java investirent le rond de longe découvert.
La jument passa comme d’habitude par la phase « j’ai pas envie et tu m’y obligeras pas » mais comme d’habitude, ce fut le jeune homme qui obtint gain de cause.
Après l’avoir échauffée aux deux mains il lui mit son gogue et lui fit travailler ses transitions pour l’équilibrer et la mettre aux ordres, avec un long temps de trot pour l’endurance, après quoi le jeune homme se lança dans les départs au galop qu’il obtenait avec de plus en plus de facilité. D’ailleurs, pour peu qu’il la remotive fréquemment, Java restait au galop pendant plus d’un tour sans difficultés.
Le tonnerre, qui mit Java dans tous ses états, convainquit Tomáš que la séance avait assez duré et ils retournèrent à l’écurie.

Tomáš commença par détendre Java en carrière, ce qui était plus simple d’autant plus qu’il préférait affronter la phase « j’veux pas de toi sur mon dos » dans un lieu clos.
Puis, ils partirent dans la forêt au pas, mais un pas énergique et actif, afin de faire travailler la demoiselle. Le terrain ne cessait de monter et descendre en douceur, idéal. Ils montèrent ensuite à l’assaut d’une petite colline que la jument gravit courageusement, encouragée par son cavalier qui restait assis dans sa selle pour bien la muscler, comme on le lui avait conseillé.
En haut, il lui accorda une petite pause pour souffler et la félicita, puis ils redescendirent et rentrèrent, toujours à une allure énergique et donc, efficace.

Le petit manège était déjà prêt quand Tomáš et Java y parvinrent ; le jeune homme s’était montré prévoyant, il avait installé barres, cubes et chandeliers avant d’aller chercher sa jument.
Évidemment, c’était plus simple pour lui de bosser dans le rond de longe car la trotteuse y était encadrée, et était donc moins difficile à tenir. Mais ici il pourrait déplacer son cercle et donc la travailler sur le plat d’abord…
Après le préalable et nécessaire échauffement aux deux allures plus un petit peu de galop, Tomáš déplaça le cercle au pas et fit franchir à la jument les barres au sol. Cette fois-ci il avait installé deux obstacles (enfin, futurs obstacles puisque pour l’instant ils n’étaient pas montés), séparés par trois foulées. L’objectif du jour était précisément de travailler les contrats de foulée, grâce à des barres au sol entre les deux sauts.
Il commença en travaillant au trot, montant un croisillon puis deux, et augmenta peu à peu les hauteurs jusqu’à avoir un premier obstacle, une croix de 6o-7o centimètres, et un oxer de 9o centimètres.
La jument faisait d’abord entre quatre et cinq foulées, car ses foulées de galop étaient petites et elle avait tendance à piétiner à l’abord du deuxième saut, faisant une mini foulée supplémentaire avant de prendre son appel.
Usant de la voix pour la guider, Tomáš après l’oxer la maintint au galop et lui fit allonger l’allure, prenant un peu de vitesse mais sans venir s’appuyer exagérément sur les épaules, et peu à peu elle passa à quatre, trois et demie puis trois foulées, prenant, et c’était visible, plus d’assurance à chaque passage.
À droite les résultats étaient excellents, à gauche en revanche, le jeune homme baissa un peu l’oxer pour lui éviter de refuser même si elle l’abordait très mal, ce qui était le cas car galoper sur le pied gauche n’était apparemment pas du tout son truc…

Tomáš & Java se rendirent dans le petit manège pour travailler à l’ombre et au calme.
Le jeune homme avait beau savoir à quoi il s’exposait, il ne pouvait pas ne pas monter la jument, et se mit donc en selle pour affronter la cataclysmique humeur de l’infernale demoiselle. Une fois qu’il eut réussi à obtenir d’elle qu’elle renonce à vouloir le flanquer par-terre, Tomáš détendit la jument aux deux allures, reprenant une fois encore des exercices des plus basiques, avec de simples incurvations légères, des transitions multiples qu’il faisait tout pour rendre propres, des mises en équilibre, et en faisant tout pour parer à la dureté de la bouche de la jument qui se contractait au moindre de ses gestes.
Pour finir, lorsqu’il eut obtenu un pas actif et calme, Tomáš demanda tranquillement le galop à Java, et sa voix lui fut d’un grand secours. Cette fois-ci il commença à travailler à gauche, pour finir à droite sur une note plus positive.
Au galop, la jument avait tendance à revenir s’appuyer sur les épaules et à se coucher sur le cercle, le tout en accélérant, bouche durcie, mais le jeune homme veillait et, serrant fortement sa jambe intérieure à la sangle, parvenait à garder une trajectoire juste.
« Allez, ma belle… Ça suffira pour aujourd’hui ! »

Objectif de la séance : l’équilibre.
Donc, après l’habituelle détente et un petit temps de galop, Tomáš mit sa jument sur un cercle au trot (car c’était l’allure où elle était le plus à l’aise) assis (pour mieux ressentir ses mouvements et communiquer avec elle), cherchant à obtenir un équilibre horizontal, ainsi que, cela va de soi, une allure correcte, calme & active.
Lorsque ce fut le cas, il se détacha du cercle pour faire une minuscule ligne droite, et refit un cercle en sentant la jument prête à revenir sur les épaules. Et il poursuivit ainsi, quelques foulées de ligne droite, un cercle, quelques foulées de ligne droite, et ainsi de suite, aux deux mains, et en essayant d’augmenter à chaque fois la distance parcourue dans perdre l’équilibre.
« Okay dear… Bon travail ! »

Java en bout de longe, Tomáš entra dans le rond de longe histoire de bosser en main avec sa jument. Pendant près de deux semaines ils n’avaient fait quasiment que ça, mais maintenant, heureusement, la fréquence de ces séances commençait à diminuer ; la trotteuse avait fait des progrès, suffisamment en tout cas pour ne plus devoir travailler exclusivement en longe.
Une fois échauffée, le jeune homme lui mit son gogue puis il la fit travailler beaucoup au trot et au galop, histoire que la demoiselle améliore un peu son endurance pour l’instant très limitée.
En tout cas, maintenant, même si ses transitions n’étaient pas toujours très nettes, Java écoutait beaucoup mieux la voix et ce n’était plus la même guerre incessante pour en obtenir quelque chose…